jeudi 29 septembre 2016

La succession, Jean-Paul Dubois

Paul Katrakilis vit à Miami depuis quelques années. Il y pratique en professionnel le jaï-alaï, une variante de la pelote basque, dont la beauté le transporte,
L'appel du consulat de France lui annonçant la mort de son père le pousse à affronter le souvenir d'une famille qu'il a tenté en vain de laisser derrière lui.

En effet les Katrakilis n'ont rien d'une famille banale : le grand-père, Spyridon, médecin de Staline, a fui autrefois l'URSS avec dans ses bagages une lamelle du cerveau du dictateur… Le père, Adrian, médecin lui aussi, était (apparemment) un homme insensible, et sans vocation. L’oncle Jules et la mère, Anna, ont vécu comme mari et femme dans la grande maison commune. En outre, cette famille semble, d'une manière ou d'une autre, vouée passionnément à sa propre destruction.
Paul doit maintenant se confronter à l'histoire tragique de son ascendance, se résoudre à vider la demeure. Jusqu'au jour où il tombe sur deux carnets noirs tenus par son père... Ils lui apprendront quel sens donner à son héritage.


C’est une histoire bouleversante où l'évocation nostalgique du bonheur se mêle à la tristesse de la perte. Et toujours l'élégance de l'écriture et du style de Jean-Paul Dubois !
Nadette Richard

Justin Torres, Vie animale

Trois garçons. Trois petits animaux inséparables, presque siamois, ballotés dans une famille qui n’a rien du cocon.
Justin Torres invente une manière nouvelle et unique d’évoquer l’enfance. 
N’attendez rien du côté de la fleur bleue. Tout dans ce livre est stupéfiant, violent, déroutant. Torres invente la famille brutale qui s’aime sans savoir aimer, qui se soutient sans savoir comment. 
Une nouvelle version du chaos familial qui sonne fortement d’aujourd’hui. Une famille où les petites boules éperdues d’amour que sont les enfants deviennent des animaux.
Gros coup de cœur.
Nadette Richard

jeudi 15 septembre 2016

Hirom Kawakami, Les années douces

Tsukiko, trente sept ans, mène la vie routière d’une employée de bureau japonaise.
Pour combler sa solitude, elle la ponctue de petits rituels en se rendant après son travail dans un petit bistrot pour diner en buvant du saké.
Par hasard, elle y rencontre un ancien professeur de son lycée, de trente ans son aîné, tout aussi solitaire qu’elle. Ils se reconnaissent.
Au rythme de leurs rencontres successives, provoquées ou non, nous les voyons respectueux et timides, devenir attentifs à l’autre puis complices puis …
" Les années douces " est le titre juste pour exprimer la délicatesse et la musicalité de ce livre. 
Tout au long de son récit, Hiromi Kawakami nous décrit la vie quotidienne des Japonais avec une précision passionnante : la cuisine, l’habitat, les paysages, les arbres ...

Elle nous donne envie de prolonger ce voyage avec ses autres romans.
Coup de coeur de Hervé Sérouart

mardi 22 mars 2016

Kerry Hudson, La couleur de l'eau

Sous le charme, Dave, vigile dans un luxueux magasin londonien, laisse partir une jeune voleuse qu’il vient de surprendre. Sa journée terminée, il la découvre dehors, à l’attendre. C’est le début d’une relation complexe entre deux êtres fragiles et abîmés. Comment Alena, venue avec tant de projets de sa Russie natale, s’est-elle retrouvée à la rue et sans papiers ? Pourquoi Dave vit-il comme en exil à quelques kilomètres de chez lui ? Qu’ont-ils bien pu traverser l’un et l’autre pour être si tôt désabusés ? Lentement, pudiquement, ils s’apprivoisent, se rapprochent – et prennent soin d’éviter leurs zones d’ombre : les réseaux de prostitution, les compromissions, les peurs et les espoirs étouffés de l’une, les cités anglaises à l’horizon bien bas, les rêves d’aventure et les lâchetés de l’autre. 
Se gardant des clichés et du larmoyant, Kerry Hudson donne voix aux classes souvent délaissées par la littérature et raconte ses personnages avec leurs fragilités et leurs faiblesses. De l’East London à la Sibérie en passant par Moscou, elle tresse un récit d’une grande finesse, mêlant portrait social et histoire d’amour moderne. Un roman lumineux.

lundi 21 mars 2016

Hakan Günday, Encore

Un roman violent, dérangeant, délirant, oscillant entre réalité et folie. "Encore" est sorti à Istanbul il y a 2 ans; aujourd'hui, il est encore plus d'actualité  alors que, par dizaines de milliers, les réfugiés fuyant les guerres de Syrie et d'Irak, s'embarquent depuis les côtes turques. 
"Une Turquie jouvencelle boulimique et dépressive, se voyant obèse dans le miroir de l'Orient et décharnée dans celui de l'Occident, ne trouvant pas de vêtements à sa mesure", écrit Hakan Günday, résumant en une phrase lapidaire les affres identitaires de son pays natal à la charnière entre 2 mondes. 
"Daha" (encore), c'est souvent le seul mot de turc que connaissent ces Afghans, Pakistanais ou Syriens épuisés par des semaines d'errance, et qui leur sert à demander aux passeurs, encore un peu d'eau, encore un peu de nourriture. Encore, c'est aussi l'avidité insatiable des trafiquants prêts à tout pour gagner un peu plus d'argent, et considérant tous ces êtres comme des objets plus que comme des personnes. "Si mon père n'avait pas été un assassin, je ne serais pas né" : dès la première ligne, le ton est donné. Gaza, le narrateur, est entré dans le business à 9 ans en aidant son père... Ce fils d'assassin devient un assassin lui-même... Et ce, jusqu'à la folie...


jeudi 3 mars 2016

Richard Flanagan, La route étroite vers le Nord lointain

Le livre est dédié à mon père, l’un des survivants de ce que l’on nomme « la voie ferrée de la mort », c’était  un homme exceptionnel, beau et très triste à la fois, j’ai grandi à l’ombre de cette histoire, je ne pouvais faire autrement que d’écrire à ce sujet.
En 1941, Dorrigo Evans, jeune officier médecin, vient à peine de tomber amoureux lorsque la guerre s'embrase et le précipite, avec son bataillon, en Orient puis dans l'enfer d'un camp de travail japonais, où les captifs sont affectés à la construction d'une ligne de chemin de fer en pleine jungle, entre le Siam et la Birmanie, la "Voie ferrée de la Mort", tragédie méconnue de la Seconde Guerre Mondiale.
Maltraités par les gardes, affamés, exténués, les prisonniers se raccrochent à ce qu'ils peuvent pour survivre : la camaraderie, l'humour, les souvenirs du pays.
La route étroite vers le Nord lointain est un roman brillant sur l'absurdité de la condition humaine, de la guerre, une méditation sur l'amour et la mort, un cri contre la précarité de la mémoire et l'inacceptable victoire de l'oubli.
N. R.

Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles

"En attendant Bojangles", c'est l'anti "Profession du père de Sorj Chalandon". 
Les deux mettent la folie d'un parent et les mensonges au cœur de la vie d'un enfant. 
Chez Chalandon, (très beau livre que j'ai adoré) on avait droit à la version triste et dangereuse, voire destructrice. 
Ici, Olivier Bourdeaut nous offre la gaîté, la fête, la lumière, un déséquilibre, oui, mais tellement vivant qu'on en regretterait presque d'être trop raisonnable. 
Bien sûr, il faut laisser son bon sens et sa raison de côté et se laisser entraîner dans cette danse sans fin. 
Petit bijou, pépite d'amour follement dingue, délicieusement poétique, terriblement émouvant.
J'ai passé un merveilleux et rare moment.

N. R.