lundi 24 septembre 2012

Olivier Adam, Les lisières


Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre." Ces mots de Verlaine résument avec exactitude la nature du sentiment qui nous attache parfois aux histoires d'un écrivain ; cette certitude, confirmée par la lecture, qu'une oeuvre nous invite, livre après livre, à contempler un motif familier. Encore ? Oui, encore. Hauteur identique d'observation, semblable justesse du propos auquel le style donne sa vérité, mais angle de vue chaque fois différent. Cela pareillement à un peintre. Tel est le sentiment qu'inspirent les romans d'Olivier Adam depuis une décennie. Macha Séry, Le Monde

Que racontent « Les Lisières » ? 
Paul Steiner, écrivain breton neurasthénique, quitté par sa femme, en manque atroce de ses enfants, doit retourner dans sa banlieue d’origine pour veiller sur sa mère qui perd la boule et tenir la maison du père mutique mais agressif. Consterné, Paul revisite ses souvenirs et découvre une photographie lui révélant un secret de famille...

Ce roman est magnifiquement écrit. L’écriture revient sans arrêt sur elle-même, tel ce ressac qui est cher à Paul et sans doute à Olivier Adam... 
Le roman trouve son envol dans le mélange de l’intime et du communautaire, et nous ne pouvons rester indifférents à ces destins défaits. Nous les écoutons en confidence, en lames, voire en larmes de fond. On les prendrait bien dans nos bras ses vieux potes, ses désamours manqués... Je le prendrai bien dans mes bras ce Paul-Olivier... La prouesse réside dans l’alliance du morne, de l’ennui, et l’émergence au fil des pages d’une émotion lancinante, d’un attachement pour ces personnages et assez curieusement pour toi aussi, Paul ou Olivier, je ne sais plus. Les scènes de déchirement familial sont magistrales, et la douleur du narrateur s’agissant d’amours perdues nous roule dans un incessant reflux houleux, dont nous émergeons noyés mais bouleversés.
Le talent d'Olivier Adam, et c’est bien à ceci que nous reconnaissons les grands auteurs, se résume en deux points majeurs : l’écriture déferlante mais endiguée, épouse la forme de ce qui est raconté, et la lecture, longuement ardue, trouve sa récompense sur le dernier tiers du roman. Enfin nous y sommes, enfin nous pleurons. 
Très grand coup de coeur pour ce roman qui m'a profondément bouleversée !


Au fil de ses rencontres avec ses anciennes relations, des lieux qui l'ont forgé, de ce passé qu'il a tenté de tenir à distance, c'est un autoportrait que brosse le héros-narrateur. Celui d'un «être périphérique», né «en bordure du monde», et, pour cette raison, toute sa vie en porte-à-faux, excentré, rejeté, à la fois présent et absent, à l'intérieur et à l'extérieur. Seule l'écriture aura pu le sauver, lui donner une structure et un but, lui permettre d'«habiter le monde». Roman d'une grande ambition, bouleversant par les questions qu'il soulève, Les Lisières est ainsi un livre très singulier, mais aussi éminemment politique. Une vision de l'époque, aiguë et engagée. Michel Abescat - Telerama n° 3267