mardi 22 mars 2016

Kerry Hudson, La couleur de l'eau

Sous le charme, Dave, vigile dans un luxueux magasin londonien, laisse partir une jeune voleuse qu’il vient de surprendre. Sa journée terminée, il la découvre dehors, à l’attendre. C’est le début d’une relation complexe entre deux êtres fragiles et abîmés. Comment Alena, venue avec tant de projets de sa Russie natale, s’est-elle retrouvée à la rue et sans papiers ? Pourquoi Dave vit-il comme en exil à quelques kilomètres de chez lui ? Qu’ont-ils bien pu traverser l’un et l’autre pour être si tôt désabusés ? Lentement, pudiquement, ils s’apprivoisent, se rapprochent – et prennent soin d’éviter leurs zones d’ombre : les réseaux de prostitution, les compromissions, les peurs et les espoirs étouffés de l’une, les cités anglaises à l’horizon bien bas, les rêves d’aventure et les lâchetés de l’autre. 
Se gardant des clichés et du larmoyant, Kerry Hudson donne voix aux classes souvent délaissées par la littérature et raconte ses personnages avec leurs fragilités et leurs faiblesses. De l’East London à la Sibérie en passant par Moscou, elle tresse un récit d’une grande finesse, mêlant portrait social et histoire d’amour moderne. Un roman lumineux.

lundi 21 mars 2016

Hakan Günday, Encore

Un roman violent, dérangeant, délirant, oscillant entre réalité et folie. "Encore" est sorti à Istanbul il y a 2 ans; aujourd'hui, il est encore plus d'actualité  alors que, par dizaines de milliers, les réfugiés fuyant les guerres de Syrie et d'Irak, s'embarquent depuis les côtes turques. 
"Une Turquie jouvencelle boulimique et dépressive, se voyant obèse dans le miroir de l'Orient et décharnée dans celui de l'Occident, ne trouvant pas de vêtements à sa mesure", écrit Hakan Günday, résumant en une phrase lapidaire les affres identitaires de son pays natal à la charnière entre 2 mondes. 
"Daha" (encore), c'est souvent le seul mot de turc que connaissent ces Afghans, Pakistanais ou Syriens épuisés par des semaines d'errance, et qui leur sert à demander aux passeurs, encore un peu d'eau, encore un peu de nourriture. Encore, c'est aussi l'avidité insatiable des trafiquants prêts à tout pour gagner un peu plus d'argent, et considérant tous ces êtres comme des objets plus que comme des personnes. "Si mon père n'avait pas été un assassin, je ne serais pas né" : dès la première ligne, le ton est donné. Gaza, le narrateur, est entré dans le business à 9 ans en aidant son père... Ce fils d'assassin devient un assassin lui-même... Et ce, jusqu'à la folie...


jeudi 3 mars 2016

Richard Flanagan, La route étroite vers le Nord lointain

Le livre est dédié à mon père, l’un des survivants de ce que l’on nomme « la voie ferrée de la mort », c’était  un homme exceptionnel, beau et très triste à la fois, j’ai grandi à l’ombre de cette histoire, je ne pouvais faire autrement que d’écrire à ce sujet.
En 1941, Dorrigo Evans, jeune officier médecin, vient à peine de tomber amoureux lorsque la guerre s'embrase et le précipite, avec son bataillon, en Orient puis dans l'enfer d'un camp de travail japonais, où les captifs sont affectés à la construction d'une ligne de chemin de fer en pleine jungle, entre le Siam et la Birmanie, la "Voie ferrée de la Mort", tragédie méconnue de la Seconde Guerre Mondiale.
Maltraités par les gardes, affamés, exténués, les prisonniers se raccrochent à ce qu'ils peuvent pour survivre : la camaraderie, l'humour, les souvenirs du pays.
La route étroite vers le Nord lointain est un roman brillant sur l'absurdité de la condition humaine, de la guerre, une méditation sur l'amour et la mort, un cri contre la précarité de la mémoire et l'inacceptable victoire de l'oubli.
N. R.

Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles

"En attendant Bojangles", c'est l'anti "Profession du père de Sorj Chalandon". 
Les deux mettent la folie d'un parent et les mensonges au cœur de la vie d'un enfant. 
Chez Chalandon, (très beau livre que j'ai adoré) on avait droit à la version triste et dangereuse, voire destructrice. 
Ici, Olivier Bourdeaut nous offre la gaîté, la fête, la lumière, un déséquilibre, oui, mais tellement vivant qu'on en regretterait presque d'être trop raisonnable. 
Bien sûr, il faut laisser son bon sens et sa raison de côté et se laisser entraîner dans cette danse sans fin. 
Petit bijou, pépite d'amour follement dingue, délicieusement poétique, terriblement émouvant.
J'ai passé un merveilleux et rare moment.

N. R.