mercredi 28 novembre 2012

Steve Tesich, Karoo

Ce roman a été achevé quelques jours à peine avant le décès à 54 ans, d'une crise cardiaque, de Steve Kesich.

Au début du livre, Saul Karoo, le personnage principal et narrateur des deux-tiers du livre, peut faire penser à une version années 90 de Ignatius J. Reilly (Ignatius J. Reilly est une sorte de Don Quichotte moderne - excentrique, idéaliste et créatif, quelquefois jusqu'à la désillusion. Dans l'avant-propos du livre, Walker Percy décrit Ignatius comme « un extraordinaire cochon, un Olivier Hardy fou, un Don Quichotte gras, un pervers Thomas D'Aquin tout ça en un ». Il dédaigne la modernité et particulièrement la culture pop. Le dédain deviendra son obsession.
En décalage complet sur ses contemporains, Saul Karoo est un homme vieillissant, vivant à New York mais travaillant à Hollywood, dans la réécriture de scénarios que leurs producteurs estiment trop faibles. Karoo est une légende dans le petit milieu des "script doctors", mais n'arrivera jamais à devenir un véritable scénariste.
Séparé de sa femme depuis de longues années, Karoo ne peut toutefois se résoudre à divorcer, et supporte de réguliers repas au cours desquels son ancienne épouse le met au pilori, égrenant ses nombreux défauts, et entre autres, son impossibilité à s'occuper de son seul fils, adopté. Karoo souffre en secret d'un mal inconnu : quelque soit la dose d'alcool qu'il ingère, il n'arrive jamais à être ivre, et doit jouer l'ébriété pour faire " bonne figure " dans les nombreuses soirées mondaines où il est invité (ce détail aura d'ailleurs inspiré à l'auteur le titre du livre : Karroo signifie " le pays de la soif " dans le dialecte de la tribu khoïkhoï, vivant en Afrique australe). Vivant au jour le jour dans un cynisme incroyable sa déchéance sociale, Karoo va pourtant voir sa vie radicalement basculer, lorsque l'un des producteurs qui le fait travailler lui propose de remonter le dernier film d'un monument du cinéma. Or le  film est parfait et il serait criminel de le toucher.
Mais... en regardant les rushs, Saul tombe sur une jeune actrice dont la voix lui est familière, inoubliable même.
Et, pour la première fois de sa vie, il va s'intéresser à quelqu'un, déclenchant en même temps une mécanique oedipienne infernale...
Steve Tesich traite de la faute et de la rédemption, de la chute et de la destinée...
Si Saul Karoo est souvent abject, il est aussi terriblement, honteusement humain...
Mordant, drolatique, fleur-bleue parfois, même dans l'amertume, Steve Tesich ne peut laisser indifférent et l'image qu'il donne à voir de l'Amérique est jubilatoire.

Ce roman est passionnant, et il faut prendre le temps de le lire, il vaut vraiment le détour !!!




Aucun commentaire: