lundi 12 novembre 2012

Toni Morrison, Home


A 81 ans, Toni Morrison est la grande dame des lettres américaines. Prix Nobel de littérature en1993, elle est l’auteur de dix romans et le seul écrivain afro-américain à avoir été distingué par le jury suédois. Ses livres racontent l’histoire de sa communauté, qu’elle inscrit dans une quête universelle de liberté et de dignité. « Mon univers littéraire ne s’est pas rétréci parce que j’écris du point de vue d’une femme noire. Mon horizon s’est au contraire élargi », aime-t-elle rappeler. 
Pour le comité Nobel, Toni Morrison « reconstitue un aspect essentiel du vécu américain », « à travers ses romans dont les principales caractéristiques sont leur force visionnaire et leur lyrisme ».


Home, son nouvel ouvrage, poursuit et peaufine en 150 pages ce travail de concision charnelle et poétique à travers l'histoire de Frank Money et de sa soeur, prénommée Cee. Frank revient de la guerre de Corée. Brisé, fourbu, tout lui rappelle "un élément chargé de douleur". Le vétéran hanté par l'horreur de la violence se retrouve à Seattle, dans un hôpital psychiatrique qui ressemble à une prison, un mouroir. Dehors comme dedans, l'enfer est partout, la ségrégation raciale a monté d'un cran depuis qu'il est parti se battre comme tout bon Américain, et Frank doit fuir cette ville où l'on tue les vieillards à coups de tuyau avant de leur arracher les yeux. 
Apprenant que Cee sa petite soeur est en danger, il ira donc jusqu'à Lotus, son village natal en Géorgie, pour la sauver.
Mais si le titre de Toni Morrison, Home, laisse entendre un retour possible aux origines, Lotus n'est pas un lieu de paix et de réconciliation familiale mais "le pire endroit du monde, pire que n'importe quel champ de bataille".  
Tony Morrison situe son livre dans les années 1950, un temps de richesse et de prospérité pour l'Amérique blanche, et de misère absolue pour les Noirs. "White only" s'affiche partout dans le pays : transports, travail, meilleurs quartiers pour acheter un bon logement. On tue les Noirs puisqu'ils ne sont que des bêtes de somme. On les enterre vivants, comme dans le tout premier chapitre de "Home" qui relève du cauchemar. Franck et Cee ont assisté en cachette à un assassinat lorsqu'ils étaient enfants et Franck a mis sa main devant les yeux de sa petite soeur... Ils n'oublieront jamais cette scène d'apocalypse.

"Petit" roman (150 pages) qu'on serait tenté de qualifier de nouvelle si sa solide densité n'en faisait absolument un roman, un grand petit roman.
"Home" se lit d'un trait comme un texte simple et à la fois complexe, comme le sont les fables, écrites pour être lues et relues...











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